Remonter au vent, c’est à dire naviguer contre le vent, est sans doute l’un des concepts les plus compliqués à saisir lorsqu’on débute la navigation.
Le vent, force invisible, personnifiée et divinisée dans la mythologie et la religion, a été exploité tout au long de l’histoire humaine. S’il est simple de comprendre ce que le vent de dos nous fait, il est plus complexe d’imaginer un voilier aller face à lui et tout de même avancer.
Comment un yacht ou un voilier navigue-t-il face au vent ? Lisez la suite et vous saurez tout.
Qu’est-ce la navigation au vent ?
Commençons par une courte et simple définition : naviguer au vent, c’est tout simplement aller contre le vent, c’est à dire face à lui.
Cependant, vous n’avancez pas réellement contre le vent, car c’est physiquement impossible. En réalité, vous naviguez au plus proche de la direction dans laquelle souffle le vent, soit environ à 45 degrés à gauche ou à droite par rapport à la direction du vent.
Que se passe-t-il, lorsque l’on traverse cette ligne imaginaire et que vous dirigez le bateau au plus près de la direction du vent ? Les voiles se mettent à battre et le bateau ralentit.
Comme le disent les vieux loups de mer : voile battante, voile malheureuse !
Les principales différences entre la navigation au vent et sous le vent
Naviguer au vent signifie aller contre le vent, alors que naviguer sous le vent signifie aller avec le vent.
La différence importante entre ces deux manœuvres réside dans la façon de diriger le bateau et de régler les voiles.
Lorsque vous naviguez au vent, les voiles sont déployées au maximum et on les utilise comme guide pour diriger le bateau. Lorsque l’on navigue sous le vent, on dirige généralement le bateau vers le cap souhaité, et on règle les voiles en fonction de celui-ci.
Les voiles fonctionnent comme les ailes d’un avion, elles donnent de la portance. Au portant, l’air se trouve derrière les voiles et celles-ci entraînent le bateau en se gonflant et en le tirant.
Le virement de bord : la principale stratégie de navigation au vent
Comme vu précédemment, naviguer au vent signifie naviguer contre la direction du vent, mais pas directement sinon les voiles du bateau battraient et le bateau s’arrêterait. Les marins utilisent un mouvement en zigzag en déplaçant la proue du bateau de gauche à droite à travers le vent afin d’avancer. Cette technique s’appelle « virer de bord » ou « tack » en anglais.
Cela peut paraître très simple à réaliser, mais il est difficile d’y exceller. La manœuvre demande une certaine coopération de l’équipage. Le virement de bord est un travail d’équipe et l’union fait la force !
Poursuivons avec la maîtrise du vocabulaire essentiel. Une série de virements de bord en zigzag s’appelle le battement. La manœuvre contraire au battement s’appelle le gybe.
Le gybe consiste à faire tourner la poupe du bateau face au vent de façon à ce que le vent passe d’un côté du bateau à l’autre. Il permet de naviguer dans la direction souhaitée.
Face au vent et à ses différents caprices, l’art de la voile est une véritable chorégraphie !
Comment faire virer de bord un voilier pour naviguer contre le vent ?
Entrons maintenant dans le vif du sujet : l’aspect technique du virement de bord d’un voilier pour remonter au vent.
Avant toute chose
Une bonne communication et une équipe coordonnée sont indispensables pour virer de bord. Voici les différentes étapes du processus, mais avant, un bref glossaire des termes clés.
Bâbord et tribord font respectivement référence aux côtés gauche et droit du bateau.
Port Tack : on parle de port tack lorsque le vent souffle du côté bâbord (gauche) du bateau.
Tribord Tack : un bateau est sur tribord amure si le vent vient sur le côté tribord (droit) du bateau avec des voiles sur le côté bâbord (gauche).
Écoutes de foc : cordes et lignes permettant de régler ou d’« écoper » le foc.
Écoute de travail : écoutes de foc qui règlent activement le foc. Elles sont serrées sur l’attache et tirent sur le foc pour le régler.
Écoute de farniente : cordages d’écoute de foc qui ne sont pas utilisés momentanément.
Écoute principale : Cordage qui est attaché à la bôme et qui sert à contrôler la grand-voile.
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Comment virer de bord correctement un voilier en 10 étapes
1- Le skipper s’assure que le nouveau cap est clair.
2- Si c’est le cas, il crie « Ready about » aux membres de l’équipage pour qu’ils se tiennent prêts. La traduction parfaite de « Ready about » serait « avant que je lance la barre, êtes-vous prêts à lâcher l’ancienne écoute de foc, à border la nouvelle et à passer de l’autre côté ? ».
2- Il attend maintenant qu’ils préparent les écoutes et les lignes pour gérer les voiles.
4- Pendant ce temps, le skipper estime le lay line, c’est-à-dire la direction que va prendre le bateau après le virement de bord. Au près, le lay line se situe généralement à 90 degrés à gauche ou à droite de votre position actuelle. Cette étape est essentielle.
5- Lorsque le skipper entend « Ready » ou « All clear » de la part de l’équipage, il répond « helm to lee » pour notifier à l’équipage qu’il est sur le point de commencer la manœuvre de virement de bord en tournant la barre soit à bâbord soit à tribord. Lorsque le vent commence à souffler le foc sur l’écoute paresseuse, c’est le moment d’arrêter de tourner.
6- Ensuite, en appelant Lee-Ho ou Hard-a-Lee, le skipper annonce qu’il fait tourner le bateau vers le vent. Le bateau fait un virement de bord. Lorsque la voile d’avant commence à battre, l’équipage sur l’écoute de travail déleste et libère l’écoute du treuil.
7- À ce stade, le vent a changé de côté et souffle maintenant de l’autre côté des voiles. C’est le moment où l’équipage se déplace vers l’autre côté du voilier. Ce point est crucial pour l’équilibre du bateau.
8- Le bateau continue à tourner dans le vent et le foc souffle de l’autre côté, en battant un peu au passage.
9- C’est le bon moment pour l’équipage au treuil de tirer sur la nouvelle écoute de travail et de commencer à tirer sur la ligne de l’écoute de paresse (qui est maintenant l’écoute de travail) de l’autre côté. L’écoute principale doit être tendue au centre du bateau.
10- Le voilier commence à prendre de la vitesse à environ 90 degrés de la route initiale. Le skipper garde la barre au milieu. L’équipage commence à régler et à ajuster la voile. Le virement de bord a été effectué avec succès !
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Virement de bord avec un monocoque vs virement de bord avec un multicoque
Les opérations de navigation d’un multicoque et d’un monocoque sont fondamentalement les mêmes, mais pas exactement. L’une des principales différences réside dans le virement de bord.
Un monocoque, beaucoup plus facile à manœuvrer, virera de bord rapidement et répondra plus vite à la barre qu’un multicoque. À l’inverse, virer de bord avec un multicoque peut être un véritable défi. En raison de son poids moins important, de sa largeur et de son vent, le multicoque ralentit soudainement alors que le virement de bord nécessite une vitesse suffisante pour ne pas perdre trop d’élan vers l’avant.
Par conséquent, le virage à travers le vent sera plus hésitant que sur un monocoque lesté, qui porte son élan à travers le vent.
A choisir entre un virement de bord avec un monocoque et un virement de bord avec un multicoque, l’avantage est net pour le monocoque !
Voilà, vous savez à présent comment remonter au vent avec un voilier. Si le concept est toujours obscure, le plus simple est de louer un voilier ou un catamaran avec un équipage ou un skipper et de les voir à l’oeuvre.